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Chairs mortes
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17 août 2005

L'aventure à l'heure du crépuscule

" L’aventure commence à l’aurore…. " (J. Brel).

Marcher pour rythmer les souvenirs. Marcher seul. Ne savoir s’il faut regretter l’impossible compagnonnage, ou se réjouir de l’accueil de tous les chemins de traverse.

Impression stupide et pourtant impérieuse d’un retour à l’essentiel. Dans cette nature pourtant domestiquée, la conscience que cela perdurera. Que sans nous, souvent piètres humains, les choses suivent leur cour.

Marcher pour redoubler les pas d’autant de souvenirs.

Redoubler les impressions. Ce que l’on peut voir. Ce que l’on a cru voir.

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Ce qui a été vu.

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(Sisley. Moret-sur-Loing. 1891)

Ce qui a semblé demeurer alors même que l’on s’est perdu.

" C'est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source. " (Jaurès). Mais où diable se répandre…

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(Sisley – Le canal du Loing à St. Mammès. 1885).

" Je sais déjà que c'est par leur murmure Que les étangs mettent les fleuves en prison " (J. Brel). Mais comment diable s’en déprendre….

Il y a un âge, ou n’a-t-on que celui de ses perditions ?

Il y aurait un tableau à l’étrange estompe.

                 Le paysage demeure tandis que le personnage disparaît.

                                                    Jusqu’à douter qu’il n’a jamais été.

Il y a des fantômes que seule la voix évoque.

                 Son grain se meurt tandis que le paysage réapparaît

                                                      Jusqu’à douter avoir jamais été.

Longtemps je me suis parlé. Chuchotant à la faveur des pauvres lieux clos qui m’étaient offerts. Comme pour m’inventer des berceuses qui ne m’ont jamais été chantées.

Le canal du Loing semble paisible. On entend pourtant ça et là quelques chutes qui rendent à son lit ce qui a été détourné.

Vint le temps où j’ai parlé. Disant à grands bruits ce qui me semblait devoir être accueilli. Comme pour me répandre en de grands flots que je m’imaginais enchantés.

Aux écluses répondent les cailloux. A la maîtrise s’imposent les remous.

Il y a les larmes silencieuses et les sanglots secoués de mots.

A Saint-Mammès le canal rejoint le fleuve, la rivière semble reprendre ses eaux, mais c’est pour se jeter en pleine confusion dans une trouée qu’elle a contribué à creuser.

Depuis ce qui m’apparaîtra bientôt bien longtemps je me parle à nouveau. Abandonnant pourtant tout l’enchantement d’un grain de voix. Ce n’est plus désormais la consolation d’une voix rendue lointaine, mais bientôt tout un chœur au service d’une vie sans remous. Ce n’est pourtant pas la confusion du fou. Ce n’est pas Ca qui parle et un moi fuyant qui entendrait. C’est un même être qui se répand en foule.

Je ne suis pas homme de passage. J’ai pu en rêver parfois. Mais je ferai un piètre éclusier.

A V. j’ai beaucoup parlé. Comme pour toutes les rencontres que j’ai pu faire, me jeter à pleins mots au risque de me sentir troué.

Vinrent mes silences. J’ai pu espérer les noyer sous les flots que tu semblais parfois annoncer. Mais sans doute faut-il au moins un chuchotement pour qu’un chœur puisse répondre. Au moins un murmure en guise d’appel.

Les surfaces simples cachent souvent bien des remous. Les écluses, comme tous les passages, rendent les voies navigables, mais c’est oublier tous les décalages qui les rendent nécessaires. Je suis peut-être à un âge, un passage, une trouée, un cour, un temps, un flot, que sais-je, où le moindre remous, vague, chute, écluse, cailloux, que sais-je, me fait tanguer, chassant l’ivresse pour son curieux fantôme qu’est cette forme de nausée – pas la nausée des grands naufrages, mais celle du vague à l’âme qui estompe non les choses mais la manière de s’y accrocher, sa propre inscription dans le paysage, la manière de faire tâche, huile, de s’inscrire dans le paysage, que sais-je. Un âge où l’on reste sur la passerelle, au crépuscule, préférant les souvenirs, les multiplier en autant de voix (voies) dont on prétend être le seul maître en renonçant à toute aventure….

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(Sisley -Passerelle à Argenteuil. 1872.)

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